Armand Jean du Plessis Cardinal Duc de Richelieu.

Pour ceux qui veulent aller plus vite, voici un résumé de la vie du Cardinal.

Vers

Mais où est né Richelieu /

Remise de l'évêché de Luçon /

Richelieu est évêque. /

Le diocèse et son personnel /

L'assassina de Henri IV et l'entrée de Richelieu à la cour. /

Sa montée au pouvoir /

Concini /

L'autorité du Roi /

Le nouveau gouvernement /

A Blois /

La fuite de Blois /

La drôlerie des Ponts-de-Cés /

Début de la guerre de Trente Ans /

Du rattachement de la Navarre à la paix de Montpellier /

Richelieu devient Cardinal /

Son retour au Conseil du Roi /

Sa véritable participation au pouvoir commence ! /

Ses premiers travaux et la situation de l'Europe à cette époque /

Sa méthode de travail et son personnel /

Une tornade blanche s'abat sur Madrid et Rome /

Préparation du mariage avec l'Angleterre /

Mais où est né Richelieu??

Armand est le quatrième enfant d'une noble famille Française, les "Du Plessis". Son père, François IV du Plessis(de Richelieu), était prévôt de l'Hôtel et grand prévôt de France sous Henri III et Henri IV. Sa mère, Suzanne de la Porte, était la fille d'un grand avocat au parlement de Paris, qui était de l'ordre de Malte, François de la Porte.

Armand naquît le 9 septembre 1585, mais où, à Paris ou à Richelieu?

Les thèses et les opinions sont très partagées. Les historiens parisiens et des environs proches croient que Richelieu est né à Paris même. En revanche, les historiens d'influence plus locale, croient qu'il est né dans son château, dans une chambre bien précise. Personnellement je crois également qu'il est né à Richelieu car :

Mais les historiens parisiens ont aussi leurs arguments : Le Cardinal lui même a souvent dit aux Parisiens qu'il était des leurs et aussi l'acte de baptème d'Armand Jean à la paroisse Saint-Eustache à Paris. Mais les partisans de la naissance richelaise démentent facilement ces preuves : Il était de bonne politique pour le Cardinal-Ministre d'essayer de séduire les Parisiens. D'autre part sa mère, Suzanne de la Porte, était parisienne, d'où son baptème à Paris. Encore une information prouve sa naissance à Richelieu et son baptème à Paris. Comme il avait une santé précaire, ses parents ont préféré attendre que l'hiver soit passé pour aller à Paris, le baptiser.

Enfin, il ne faudrait pas accorder trop d'importance. Ce dont les historiens sont sûrs, c'est que le futur Cardinal a passé toute son enfance au château familial. Ce point d'histoire est plutôt une jalousie entre les différents historiens français.

Son instruction.

La naissance d'Armand Jean causa beaucoup de soucis à sa mère, il a besoin des plus grands soins et durant toute sa vie il resta avec une santé fragile. Il était sujet à de brusques excès de fièvres et à de violentes migraines.

L'enfant a 10ans, il est nécessaire de commencer son instruction, c'est un de ses grands-oncles, dirigeant jadis l'abbaye St Florent de Saumur qui s'en charge. On va l'envoyer à Paris faire ses études au collège de Navarre, qui à l'époque était un collège uniquement pour la haute noblesse. Il se révèle un élève particulièrement brillant et doué, ses qualités d'homme résolu et courageux naissent et s'affirment. Il entre après à l'Académie, sorte d'école militaire destinée aux officiers de l'armée royale, il s'inscrit sous le nom de marquis du Chillou. Il apprendra dans cette école la musique, les mathématiques, mais surtout l'équitation et la connaissance des armes. Pour lui son avenir est déjà tout tracé, il servira le roi par les armes.

Remise de l'évêché.

Mais un événement de grande importance pour la famille des du Plessis va interrompre ses brillants projets. Henri III avait fait don au père d'Armand Jean, François IV du Plessis, de l'évêché de Luçon. Après Jacques du Plessis, un oncle au père d'Armand et aumônier d' Henri II, c'est Alphonse, le frère d'Armand, qui assumait la charge de l'évêché, il rapportait fort peu à la famille du Plessis, les conditions de vie y étaient difficiles, c'est sans doute pour celà qu' Alphonse voulait arrêter cette charge, trop lourde pour lui, il décida ainsi de se faire chartreux, notamment à la Chartreuse du Liget près de Loches à 50 km de Richelieu. Pour la famille, il était d'une forte importance de le remplacer. Armand , le plus jeune fils était tout désigné. Il avait 16 ans et accepta sans difficulté. Par contre ses études seront très différentes, il passe des maniements des armes et de l'équitation à la philosophie et à la théologie. Henri IV qui était un grand ami et qui a gardé un bon souvenir du grand prévôt, nomme son fils évêque de Luçon en 1607, Armand a 22ans. Mais aux yeux de l'Eglise, Armand est trop jeune pour assurer cette tâche. Il parti donc à Rome, chercher sa dispense d'âge auprès du pape Paul V. Il fut présenté au pape par M. d'Halincourt, ambasssadeur de France et par le Cardinal de Joyeuse, cousin du Roi. Sa Sainteté s'intéressa au jeune prélat désigné et eut même avec lui, rapporte-t-on, de longs et graves entretiens sur les affaires religieuses du royaume et l'inquiétude du pape au sujet de la conduite de Henri IV.

A Rome, prenant part aux discussions littéraires et théologiques, Armand Jean y brilla par l'étendue de sa science, la sûreté de sa mémoire, la vivacité de son esprit et la modestie de son maintien. Un jour, un des prédicateurs de la cour romaine ayant prononcé un long sermon, notre postulant le récita d'un bout à l'autre à la sortie de l'église. Ce fait ayant été rapporté au pape, celui-ci fit venir le jeune abbé et lui demanda de répéter le sermon, ce qu'il fit brillamment, à la grande admiration de Paul V. Et le lendemain, pour démontrer au souverain pontif qu'il n'avait pas seulement la mémoire servile, mais encore l'Esprit ouvert, il fit un autre sermon, de son cru, sur le même sujet. Convaincu par les mérites exceptionnels d'Armand Jean, Paul V octroya les bulles de dispenses. Armand Jean fut sacré à Rome, à l'occasion des fêtes de Pâques, par le Cardinal de Givry, le 17 avril 1607. Il avait alors 22ans. Après sa nomination, Paul V s'exprima ainsi :" Il est juste que l'homme qui montre une sagesse au-dessus de son âge soit ordonné avant l'âge."

Certaines personnes disent : "Pour avoir sa dispense d'âge, Armand a gratté le nom de son frère, sur son acte de bâptème pour y mettre le sien." Mais cette thèse n'est pas vérifiée.

Richelieu est évêque.

Il retourne en France, passe à Paris, à Richelieu, voir sa famille et entre à Luçon le 21 décembre 1608. Dans ses mémoires, il écrira : "Luçon, l'évêché le plus crotté de France!". Luçon se trouvait à l'époque dans une des zones les plus pauvres et déshéritées de la province du Poitou. Ce qu'il trouva dans son diocèse, un des plus pauvres du royaume, peut se résumer d'un mot : le désordre ; C’était ce qu'il haïssait le plus, quasi viscéralement! Désordre dans les bâtiments épiscopaux, désordre des âmes et des esprits, désordre du clergé en butte aux critiques acerbes des huguenots (La Rochelle est proche de Luçon). Les routes y étaient rares, le personnel du clergé était très peu instruit, et les chanoines n'avaient pas beaucoup de courage pour travailler.De plus les habitants miséreux dont la plupart vivaient surtout à la campagne, retournaient aux superstitions originelles. Une grosse quantité de problèmes se posait à la fois, impliquant des talents d'administrateur et de prédicateur, de l'expérience et de la prudence. Il fallait tout d'abord parer au plus pressé, c'est-à-dire s'installer convenablement. L'église cathédrale était dans un piteux état, elle avait été sauvagement pillée durant les guerres de Religion. Plusieurs murs se lézardaient ; la toiture était à reprendre. Le "palais" de l'évêque était à l'avenant. Il écrivait alors :

"Je suis extrêmement mal logé car je n'ai aucun lieu où je puisse faire du feu à cause de la fumée ; vous jugez bien que je n'aie pas besoin de grand hiver, mais il n'y a de remède que la patience. Je vous puis vous assurer que j'ai le plus vilain évêché de France, le plus crotté et le plus désagréable ; Mais je vous laisse à penser quel est l'évêque! Il n'y a ici aucun lieu pour se promener, ni jardin, ni allée, ni quoi que ce soit, de façon que j'aie ma maison pour prison..."De plus sa santé lui cause toujours des problèmes.

Il mettra de l'ordre dans l'évêché avec la même ardeur qu'il a mit dans ses études. Le soir, après ses journées passées à fournir à l'évêché de meilleures conditions de vivre, dans le secret de son cabinet, il rédige ces " instructions que je me suis donné pour me conduire à la cour".

On commença la restauration de la cathédrale. Les travaux durèrent plusieurs années et furent difficiles car il fallait marier le nouveau style (Henri IV – Louis XIII) au style gothique. Richelieu n'oublia pas de faire figurer le blason aux trois chevrons dans les endroits les plus visibles pour que nul n'en ignore.

Le diocèse de Luçon et son personnel

Le diocèse de Luçon avait beaucoup souffert des guerres de religion. Il n'avait pas connu de grands affrontements mais quelques petites batailles entre Catholiques et protestants. C'était à cette époque une région déshéritée, en partie occupée par des marais qui rejoignaient la mer. Les routes ou plutôt les chemins étaient des pistes sinuant d'une bosse à l'autre. Il n'y avait pas non plus pas de grosses fermes mais des chaumières éparses, rarement groupées en hameaux, un peu d'élevage et de maigres récoltes de blé. En revanche l'Est du diocèse formait une plaine assez fertile. Armand Jean se prit de compassion pour ses ouailles. Il intervint en leur faveur afin d'obtenir un allégement des impôts. " On commençait à regarder le jeune évêque d'un autre oeil; même les protestants. Force était de constater qu'il tenait ses promesses et voulait réellement du bien à son troupeau. "

Au cours de sa première tournée épiscopale, Richelieu put constater l'ignorance et les moeurs douteuses de nombreux curés, chez leurs paroissiens un refroidissement général de la foi, quand ce n'était pas l'abandon des pratiques religieuses. Les curés était souvent nommés sur recommandation, on ne prenait pas la peine de vérifier leurs capacités. Richelieu mit fin à toutes ces pratiques. Il projeta même de fonder un séminaire, projet qui ne put aboutir, mais il publia des Ordonnances synodales, dont la lecture était fructueuse. Elles interdisaient aux prêtres, sous peine d'amende, d'entretenir des concubines, de boire avec excès et de s'adonner à la débauche, de se rendre en bande dans les lieux publics, pour y prendre part aux réjouissances populaires. Elles leur recommandaient d'avoir une tenue décente et de lire régulièrement le bréviaire, de préférence l'office du concile de Trente aux bréviaires usuels du Poitou. Les fidèles étaient invités à assister, au moins un dimanche sur trois, à la messe paroissiale, à communier quatre fois l'an et "à éviter les occasions de débauche, comme les fiançailles célébrées après le coucher du soleil : les ténèbres et le vin ôtant tout le respect." Les ordonnances interdisaient également les mariages clandestins, les sortilèges et la magie. A l'intention des simples fidèles, Richelieu écrivit un petit livre intitulé " L'instruction du chrétien", dans lequel il rappelait l'essentiel du dogme catholique et la signification des pratiques religieuses, cérémonies, prières, etc. En voici deux extraits :

" Le plus grand soin de l'auteur a été de s'abaisser, son but étant plutôt de paître les colombes que les aigles."

" Un Roi souverain en France témoigne qu'il n'y a personne qui soit égal à lui, et que tous ceux qui y sont, sont des inférieurs : ainsi Dieu, souverain du monde, témoigne qu'Il n'a point d'égal et qu'Il est unique."

Lui-même prêchait dans une chaire que l'on montre toujours à Luçon. Ses sermons étaient à la mode du temps, un peu trop alambiqués, mais, sous le coup de l'inspiration, ils prennaient parfois de l'ampleur et se coloraient d'émotions. Ils avaient aussi quelques fois un tour politique.

D'une certaine manière, Richelieu se considérait, dans son diocèse, comme le gardien de l'autorité Royale, un gardien vigilant! Mais il veillait aussi à apaiser les conflits, à empêcher les procès et les duels. L'ordre et la raison commandaient ses actes.

Des dizaines de personnes, dont l'évêque de Poitiers, écrivirent dans leurs mémoires : "C'était un évêque exemplaire."

Cependant il s'appliquait à étendre ses relations.Grâce à l'abbé de La Cochère, il gagne l'estime de Chasteignier de La Rocheposay, évêque de Poitiers et prélat armé, de son grand vicaire, Duvergier de Hauranne, abbé de St-Cyran. La réputation de l'évêque de Luçon grandissait. Il s'inscrivait alors dans les perspectives de l'Eglise militante, de la Contre-Réforme. Il entra ensuite en relation avec Gabriel de l'Aubespine, évêque d'Orléans, avec le célèbre Bérulle (qui n'était pas encore Cardinal)et avec François Leclerc du Tremblay qui devient plus tard "le Père Joseph". Grâce à Richelieu, Bérulle put fonder à Luçon le deuxième couvent des Oratoriens.

L'assassinat de Henri IV et l'entrée de Richelieu à la cour.

Au début de l'année 1610, Henri IV décida de réunir à Paris une assemblée du clergé. Les membres représentant chaque province ecclésiastique devaient être élus. Malgré son peu d'ancienneté, Richelieu posa sa candidature. Il précisa à son métropolitain, Monseigneur de Sourdis, archevêque de Bordeaux, que cette démarche répondait aux désirs de ses amis, notamment les évêques d'Orléans et de Poitiers. Malheureusement pour Richelieu se fut Mgr de Sourdis qui fut élu. C'était sa première tentative de monter à la cour.

Le 14 mai 1610, Henri IV est assassiné par Ravaillac. Cet événement a jeté le désarroi à la cour et la consternation du peuple. C'est d'autant plus un coup dur pour l'évêque qui espérait beaucoup d'un roi qui avait eu de l'estime pour lui et sa famille, à la mort de François IV du Plessis, Henri IV avait fait parvenir 20 000 livres à sa veuve. Armand apprit sa mort par une lettre du doyen de Luçon qui se trouvait a Paris. Cette nouvelle le frappa comme si on vous enfonçait un pieu dans le coeur. Elle ruinait tous ses plans. Le Roi a été assassiné à quatre heures. A six heures et demi, Marie de Médicis, petite nièce de Charles-Quint et cousine de Philippe II, gouvernait au Louvre. Italienne, parlant à peine français, sous la dépendance de sa soeur de lait, Léonora Galigaï et du mari de cette dernière, Concino Concini, plus tard maréchal d'Ancres, elle allait régner pendant toute la minorité du Roi, Louis XIII, alors âgé de neuf ans. La régente avait maintenu les ministres en place, y compris Sully. Richelieu analysa la situation depuis son prieuré de Coussay et résolut de brûler les étapes car la patience n'était pas son fort. Il écrivit une lettre, avec tout l'embelissement qu'on lui connait, à l'intention de la reine, voici un extrait :

"Nous certifions que, bien qu'il semble, qu'après le funeste malheur qu'une homicide main a répendu sur nous, nous ne puisssions plus recevoir de joie, nous ressentons toutefois un contentement indicible de ce qu'il a plu à Dieu, nous donnant la Reine pour régente de cet Etat, nous départir ensuite, de l'extrême mal qui nous est arrivé, le plus utile et necessaire bien que nous eussions pu souhaiter en nos misères, espérant que la sagesse d'une si vertueuse princesse maintiendra toutes choses au point où la valeur et la prudence du plus grand Roi que le ciel eût jamais couvert, les avaient établies. Nous jurons, sur la part qui nous est promise en l'héritage céleste, de lui porter obéissance ..."

Il n'envoya pas directement cette lettre à la reine, mais pria son frère Louis de la lui remettre : il voulait être sûr que Marie de Médicis en prît connaissance. Louis jugea cette lettre indécente, prématurée et superflue. La régente n'avait que faire du serment d'allégeance de l'évêque de Luçon. La lettre ne lui fut pas remise. L'évêque, toujours pas découragé, pensa que l'on est jamais mieux servi que par soi-même. Il décida donc de se rendre à Paris, il trouva un logis et des meubles pour y séjourner. En attendant, il écrivit à ses amis de préparer son arrivée. Richelieu a observé l'entourage de Marie de Médicis, pour se faufiller jusqu'au pouvoir, si l'équipe ministérielle restait telle quelle, la faveur de Concino Concini et de sa femme Léonora Galigaï, donnait à penser. Richelieu regagna son ermitage de Coussay, il était de nouveau secoué par des accès de fièvre. Il était fermement décidé à ne pas commettre de démarches intempestives; mais il restait à l'écoute et se tenait informé de tous les évenements.

Le gouvernement de la régente était sur une mauvaise pente. Sully avait été congédié, Villeroy et Sillery se maintenaient péniblement. Concini et sa redoutable épouse dominait l'esprit de la reine. On distribuait sans dicernement les millions entassés dans les caves de l'Arsenal. Louis de Richelieu et son beau-frère du Pont de Courlay avaient eux même profité de la manne tombant des mains de la reine : elle croyait acheter les dévouements.

En 1614, à la majorité légale du Roi, Marie de Médicis ayant décidé de réunir les Etats-Généraux, Richelieu se fait élir député du clergé par le Poitou. L'assemblée a été convoquée pour ruiner la popularité des princes du sang, hostiles à la régente et donner plus d'autorité aux débuts du règne de Louis XIII, elle devait marquer le premier triomphe de la carrière politique de l'évêque de Luçon. Les Etats Généraux se réunirent dans la grande salle du Petit-Bourbon, entre le Louvre et St-Germain-l'Auxerrois. La séance royale eu lieu le 27 octobre.

"Dans le fond de la nef, sous un dais fleurdelysé, vêtu de blanc, avait pris place le jeune Roi, ayant à ses côtés sa mère, son frère, ses soeurs et la première femme de son père, Marguerite de Valois ; le grand maître de la cour ; les massiers à genous ; le chancelier de Sillery. A droite, siégeaient les cardinaux ; A gauche, les princes du sang et les ministres ; puis les ducs et pairs, au premier rang desquels, Sully et d'Epernon ; les chevaliers du Saint-Esprit, les secrétaires d'Etat. Enfin venaient les députés du clergé, de la noblesse et du tiers état."

Sa montée au pouvoir.

Richelieu regagne sa région, le Poitou, plein d'espérances. En 1615, de nouveau, il va avoir de la chance. La cour est de passage à Poitiers ; on se déplace pour célébrer un double mariage, celui de Louis XIII avec Anne d' Autriche et celui
d' Elisabeth de France avec Philippe IV. Bien évidement, Richelieu va présenter ses devoirs à la régente. Or , Elisabeth de France tombe malade. Qui s'offre à veiller sur elle pendant que la cour continue sa route??... Richelieu. La récompense ne tarde pas, il est nommé aumônier de la reine Anne d' Autriche.

Il vient à peine de s'installer à la cour, que la reine le charge de missions diplomatiques importantes, qu'il accomplira avec grand succès. Le voilà, maintenant nommé ambassadeur extraordinaire en Espagne, ensuite secrétaire d'état à la guerre le 25 novembre 1616.

Concini.

Nous nous demandons par quelles absurdités Richelieu put faire fond sur l'avenir de Concini. Bien sûr le maréchal d'Ancre parraissait plus puissant que jamais mais en sentait bien qu'il ne pourrait durer. L'immense pouvoir qu'il détenait, il ne le devait ni à ses mérites, ni à ses talents politiques mais à la faiblesse d'une femme et à son obstination.
Concini était un fils de famille déchu de son rang, criblé dettes et crapuleux. Mais il se disait descendant des comtes de La Penna et la nature l'avait doté d'un physique avantageux. Il parvint on ne sait comment, à se faire admettre, comme écuyer, dans la suite que Marie de Médicis amena en France lors de son mariage avec Henri IV. Elle n'avait pas pu se séparer de sa soeur de lait, devenue sa femme de chambre et confidente, Léonora Galigaï. Concino Concini eu l'idée d'épouser Léonora pour se faire bien voir de la reine et profiter de sa générosité. Il eu facile à la séduire, elle était laide et maladive. Henri IV se méfiait déja de ce couple d'intriguant et faillit les renvoyer en Italie, mais il céda aux larmes de son épouse. Il eut tord, car Léonora dirigeait déjà l'esprit de la reine et lorsque celle-ci devint régente, la faveur des Concini se fit jour et prit très rapidement des proportions extravagantes.
Concini ne demandait rien par lui même, c'est sa femme qui proposait les requêtes et la reine, niaise qu'elle était, ne lui refusait rien. Je vous donne un exemple : En septembre 1610, Marie de Médicis lui donna 300 000 livres pour qu'il achète le maquisat d'Ancre (il n'en coûtait que 100 000), dès lors il porta le titre de marquis d'Ancre. Quelques temps plus tard, elle lui fait un nouveau don de 180 000 livres, pour acquérir la charge de gentilhomme de la chambre. Ce fut ensuite 120 000 livres pour acheter à Créqui les gouvernements de Roye, Montdidier et Péronne (trois places fortes), puis le gouvernement d'Amiens. En 1623, il reçut le bâton de maréchal de France, je ne vous précise pas comment! Il était devenu une grande puissance et se faisait donner le titre d'illustrissime. En ce qui concerne sa femme, Léonora, la reine en avait une confiance aveugle, elle lui laissait nommer ou révoquer le menu fretin des officiers et tabellions, négocier l'affermage des impôts et des taxes. Son seul but était de retourner en Italie les poches pleines. Marie de Médicis ne décidait rien d'important sans consulter Concini et sa femme. Concini avait joué un grand rôle dans le boulversement des alliances et dans le double mariage espagnol. Il n'avait aucun titre officiel mais avec l'aide de sa femme, il parvint à faire et à défaire les ministres. En 1616, c'était "un ministère Concini" qui dirigeait la France. Il choisissait en compagnie de sa femme les ministres et les considérait comme ses créatures. Les trois plus importants ministres étaient Barbin, Mangot et Richelieu. Respectivement ministre des finances, chancelier et secrétaire d'Etat. Richelieu avait la Guerre et les Affaires étrangères un éclésiastique ministre de la guerre, cela ne s'était jamais vu, mais lui convenait parfaitement ! Cependant qu'importe leurs opinions, ils devaient obéire aux ordres de Concini.

L'autorité du Roi

Il était d'extrême urgence de rétablir l'autorité du Roi. Les grands du royaume commençaient petit à petit à se révolter contre le maréchal d'Ancre, ils réclamaient la destitution de celui-ci. Le gouvernement riposta en publiant une lettre où le Roi s'imposait en maître, il rappelait les vaines tentatives pour apaiser le prétendu mécontentement des Grands. Richelieu fournit un document à Schomberg, il contenait les sommes versées aux princes rebelles par Marie de Médicis.
Richelieu avait un autre sujet d'inquiétude après celui des guerres avec respectivement l'Autriche avec Venise et la Savoie avec l'Espagne, la France dans ces guerres avait un rôle diplomatique mais le résultat de celui ci n'était pas très positif, la France était à la fois alliée à la Savoie et à l'Espagne, depuis la mort d'Henri IV, la France n'a pas cessé de perdre de son autorité à l'étranger, elle n'était plus considérée comme la première puissance européenne mais l'Espagne elle dominait l'Europe, Richelieu conçut un projet aussi grandiose qu'irréaliste, il prétendit obliger Venise et la Savoie à se soumettre à l'arbitrage de la France, cette idée amusa fort les Vénitiens et comme vous l'imaginez ne fonctionna pas.
Richelieu était inquiet aussi sur le fait que jusqu'ici, il n'avait porter guère d'attention au Roi, Louis XIII et à Luynes, le confident de celui ci. Armand crut bon de se faire aimer par Luynes et offrit au Roi de le renseigner. Ménageant la chèvre et le chou, il croyait, et au fond c'est tout ce qui le préoccupait, de préserver son avenir. Il défendait en parole le maréchal d'Ancre mais en son for intérieur le méprisait, aujourd'hui on traduit cette réaction de solidarité ministérielle.
Tout annonçait la chute de Concini et de son gouvernement, on insinuait que d'Epernon, Sully, Montmorency, Lesdiguières, Bellegarde, Roquelaure, d'Alincourt se préparaient à monter sur Paris libérer le Roi avec quarante mille hommes. La reine était aussi l'ennemie du Roi, elle voulait remplacer Louis XIII par Gaston d'Orléans, son frère cadet. Les opposants au Roi affirmaient qu'il était incapable de s'occuper des affaires, "il a l'esprit trop faible", lorsque le Roi se présentait au Conseil, on le renvoyait comme un vulgaire gamin. Concini méprisait de plus en plus la dignité Royale, et cela le jeune souverain ne pouvait le tolérer, d'ores et déjà Louis XIII avait pris seul la décision de s'en débarrasser. Concini commit alors deux erreurs qui lui furent fatales, il laissait entendre, avant qu'il ne se retire en Normandie, qu'il allait remplacer ses ministres, Barbin, Mangot et Richelieu étaient spécialement visés. Il voulait aussi transformer son château de Quillebeuf en forteresse, pour s'y réfugier en cas de besoin. Pendant que Concini était en Normandie, le champ était libre a ses adversaires de réunir le conseil secret du Roi, lequel a décidé la perte de l'italien. Ce serait au Louvre que l'on procéderait à l'arrestation, s’il résiste a dit le Roi on le tue, toutefois personne dans l'entourage de celui ci n'accepta d'avoir cette charge. On désigna le marquis de Vitry, le capitaine des gardes du corps du Roi, il accepta sans hésiter. La date fut fixée le 23 avril 1617 mais elle échoua le maréchal d'Ancre prit un autre chemin que celui imaginé par le Roi dès lors il prirent la décision de ne pas rater la seconde tentative. Concini doit maintenant passer par la porte du Louvre côté de la rue d'Autriche, cette porte était celle d'une forteresse, elle possédait un pont-levis que l'on devait relever une fois Concini de l'autre côté pour l'isoler de son escorte, l'exécution fut fixée le lendemain.
Le 24 avril, la venue de Concini fut signalée avec sa soixantaine de courtisans, tout se passa comme on l'avait prévu. Une fois la porte fermée Vitry lui prit le bras et dit :
"- Au nom du Roi, je vous arrête !
- moi ?
-Oui, vous
"
Concini essaya de se dégager, tenta de dégainer son épée, et ainsi selon les ordres du Roi cinq coups de pistolets fatals lui répondirent. "C'est par ordre du Roi" dit Vitry aux courtisans de Concini, sur ces mots tous s'enfuirent. Le corps de Concini fut traîné dans tout Paris et se déchira en morceaux qui furent consumés sur des bûchés en divers point de la ville.
Le colonel des Corses, d'Ornano accourut alors près du Roi et dit "Sire, à cette heure vous êtes le Roi !!". Louis se plaça à une fenêtre, dès que la foule l'aperçut, ce fut une explosion d'allégresse.
" Merci, cria-t-il, grand merci à vous, Loué à Dieu, me voilà Roi ! ", tout Paris criait : VIVE LE ROI !!

Le nouveau gouvernement

La reine après avoir appris cette nouvelle, terrifiante pour elle, envoya un messager au Roi pour lui dire qu'elle voulait le voir, le Roi dit au messager qu'il ne voulait pas la recevoir, précisa qu'il avait résolu de prendre le gouvernement en main et qu'elle n'aura pas d'autres gardes que les siens (ceux du Roi). Lorsque la nouvelle atteignit Richelieu sa surprise fut totale, car il ne croyait ni le Roi ni son entourage capable de faire ça. Richelieu accourut au Louvre et dès que le Roi l'aperçu, il s'exclama : "Eh bien Luçon, me voila enfin hors de votre tyrannie ! Allez ôtez-vous d'ici !", Luynes tenta en vain d'intervenir en faveur de l'évêque mais en vain. Le Roi avait rappelé les ministres exclus par Concini à savoir Villeroy, de Vair, Jeanin. Pourtant Richelieu eut l'audace de se présenter au conseil, comme si rien ne c'était passé, il réçu un si mauvais accueil surtout de la part de Villeroy qu'il se retira sans rien dire, il ne lui restait qu'a se faire oublier. Tous les serviteurs de Concini et de Marie de Médicis furent emprisonnés ou tués, on épargnait bizarrement l'évêque de Luçon. Etait-ce sa robe violette que l'on respectait ? Les Rois eux-même ne pouvaient faire incarcérer et juger un prélat sans l'autorisation du pape. Certes il perdit son ministère, mais c'était là le moindre prix. Luynes traita Richelieu avec égards car il avait besoin de lui.
Le Roi voulait que Marie de Médicis quitte le Louvre, il ne voulait pas négocier avec elle des conditions de son départ, Luynes manquait de fermeté pour s'en charger, il songea à Richelieu et Louis accepta. Le départ était fixé le 3 mai 1617, Richelieu partis avec la reine mère à Blois. Pour la cause, la reine le nomma chef de son conseil.

A Blois

Richelieu a voulu aller trop vite dans sa montée au pouvoir et n'a pas mesuré la fragilité du ministère de Concini. Mais il savait perdre une partie et tirer profit de son échec, il a aussi cette capacité de se relever en seulement quelques jours. Son génie lui suggérait alors de nouveaux plans, il gardait toujours l'espoir de réussir, de réaliser des grandes choses, et maintenant il savait que la politique était son domaine. Dès lors son but n'était que de revenir à Paris et d'être rappelé à la cour.
Son vulgaire titre de chef du Conseil de la reine mère était un puissant moyen de retourner au pouvoir. Comment me direz-vous? En réconciliant marie de Médicis et Louis XIII.
Il savait que le Roi aimait toujours a mère malgré les apparences et que celle-ci ne se consolait pas d'avoir perdu le pouvoir. Dans un premier temps, Richelieu devait persuader la reine mère de se montrer soumise.
Nous sommes à Blois, le 7 mai 1617, le cortège arrive, la reine et sa suite s'installe au château. La plupart des serviteurs étaient Italiens et Richelieu dominait tout ce petit monde, il avait la charge de surveiller les finances et de conseiller la reine mère. Le 8 mai, Richelieu écrivit Luynes pour lui rendre compte du voyage et le remercier. Parlant de la reine, il affirmait que la mémoire des choses passées n'a déjà plus lieu dans son esprit et qu'il n'eût pas cru que si peu de temps l'eût guérie comme elle est. Son intermédiaire, Déagant, l'a invité à se tenir sur ses gardes car à Paris, on continue à se méfier de lui, on le soupçonnait de nouer quelques intrigues. Certains l'accusaient même d'entretenir des intelligences avec l'Espagne, ils l'accusaient aussi de trahir à la fois le Roi et la reine mère. Il reçut une lettre de Luynes pleine de réticences. Déconcerté, il dit à Déagant : "Je suis le plus malheureux de tous les hommes, sans l'avoir mérité... Sa Majesté jugera ce qu'elle doit faire. Monsieur de Luynes et vous lui conseillerez, et moi je ferai voir que je suis vrai et fidèle serviteur... Rien ne me changera en quelques lieux que je sois ; partout je servirai le Roi si ingénument et avec tant de passion que mes ennemis recevront de la confusion... "
Quelques jours après, Richelieu partit précipitamment du château de Blois, sans avertir personne. Son frère Louis l'avait prévenu que le Roi voulait le renvoyer en son évêché en résidence surveillée, il préférait devancer l'ordre Royal. La reine entra dans une fureur noire. Elle adressa à son fils et à Luynes des gros reproches : " Je deviens la fable du peuple. Eloigner l'évêque de Luçon, c'est témoigner qu'on ne me traite plus en mère mais en esclave. " En apprenant cet incident, le Roi et Luynes se méfiaient encore plus de lui. Le 15 juin, le Roi complimenta Richelieu d'avoir prit cette décision de rejoindre son évêché pour s'occuper de ses diocésains mais lui ordonna également de ne pas quitter Luçon sans autorisation.
Les mois passèrent et Richelieu cherchait à se faire oublier mais ses ennemis se souvenaient de lui. N'oubliez pas qu'il était à deux doigts d'être impliqué dans le procès de Léonora Galigaï.

Pendant qu'il était à Luçon, Richelieu pouvait s'adonner à sa charge d'évêque et à ses livres. Il publia son livre intitulé "Les Principaux points de la foi de l'Eglise catholique défendus contre l'écrit adressé au Roi par les quatre ministres de Charenton." Ce magnifique texte met en opposition de façon remarquable le catholicisme au protestantisme.
Ce livre fit beaucoup de bruit et éveilla des soupçons contre son auteur pourtant de devrait on pas le féliciter de combattre la Réforme ? Au fond il fait son métier d'évêque et de docteur en théologie. Il écrivait au Roi, à Déagant, pour les assurer de sa tranquillité et de son dévouement. Il faisait appel au Père Joseph du Tremblay pour l'aider à prendre sa cause en main et faire taire les calomnies qui rôdaient sur lui. En clair, il préparait son retour à Paris. Luynes le remarqua bien vite. Le 7 avril 1618, il l'envoya, lui, son frère Louis et son beau-frère Pont-Courlay, en exil à Avignon.

La fuite de Blois

Les motifs de Louis XIII pour exiler Richelieu à Avignon étaient minces : Les fréquentes visites et assemblées, allées et venues diverses qui se font aux lieux où vous êtes et dont plusieurs de nos sujets prennent ombrage et défiance."
Il prit, le lendemain, la route pour Avignon. Il s'installa dans une maison toute proche du couvent des Minimes. Avignon était l'endroit parfait pour un exil, elle jouissait d'une autonomie complète par rapport à la France, elle appartenait au pape et administrée par un vice-légat. La ville était peuplée d'une majorité d'Italiens. Richelieu vécut fort retiré, ne pouvait pas faire autrement, il se savait d'autre part fort épié. Richelieu touchait le fond, son seul réconfort était d'avoir à ses côtés son frère, son beau-frère et son fidèle serviteur et secrétaire, Le Masle.
Il s'ennuyait ferme, pour tuer son temps il continua son Instruction du Chrétien destinée à ses fidèles. Il entama également un nouveau livre intitulé Caput apologeticum qui était une justification de la conduite de son ministère de cinq mois. Il s'occupait également d'un hospice confié aux Capucins et bien sûr correspondait avec son grand vicaire, qui durant son absence dirigeait le diocèse de Luçon. Il traversait des périodes d'abattement total surtout lorsque Louis parti pour Richelieu car sa femme, Marguerite Guiot des Charmeaux, accoucha et quelques temps après moura. Louis reçu l'autorisation du Roi pour rentrer chez lui s'occuper de son fils, qui lui aussi moura le lendemain de l'accouchement. Sans son frère, l'évêque de Luçon s'enfonça encore plus dans la tristesse et la désolation à un point qu'il alla même à rédiger un testament.

Un évènement d'une extrême gravité venait de se passer, un Italien en était à la source, Ruccelaï. Cet aventurier avait supplanté Richelieu dans la faveur de Marie de Médicis. Il avait en tête de monter un parti d'opposition assez fort pour ébranler le pouvoir de Luynes.
Pendant ce temps, Luynes redoutait toujours le retour de la reine mère, il la provoquait à chaque occasion, sans grands succès.
Ruccelaï courait les chemins du Royaume de France pour recruter des adhérents. Il trouva le duc d'Epernon, qui partit de Metz le 22 janvier 1619 pour son gouvernement d'Angoumois. Le plan était que la reine s'échapperait de Blois et rejoindrait d'Epernon à Angoulême. Le plan fut mis a éxécution la nuit du 22 janvier. Elle était entourée d'espions et ne pouvait sortir du château de Blois, sans que sa fuite ne fut aussitôt dénoncée au Roi. Il fallait donc envisager une évasion. Son premier écuyer, le comte de Brenne se chargea de l'organiser. Deux échelles étaient appuyées contre la muraille, l'une descendait sur la terrasse l'autre dans le fossé. La reine retroussa elle-même sa robe, elle commença à descendre suivie de sa suite. La reine arriva à la fin de la première échelle et tomba, épouvantée et épuisée du a son poids. On la mit dans un manteau et on la descendit au bout d'une corde. Une fois en bas un carrosse les attendait dans une ruelle proche du pont. Ils prirent la route pour Montrichard où l'on changea les mules en chevaux. De la ils se rendirent à Loches où Epernon y avait son quartier général. A Blois, l'évasion se remarqua seulement le lendemain.
Lorsque la nouvelle arriva auprès du Roi, il entra dans une grosse colère et réuni son Conseil. Il enleva au duc sa charge de colonel général de l'infanterie et ses gouvernements.
C'est alors que l'on se souvint de l'évêque de Luçon et que Luynes compris la bêtise qu'il avait fait d'évincer l'évêque du Conseil de Marie de Médicis, en faisant cela, on avait plongé la reine mère dans les bras d'Epernon et de Ruccelaï. Pour Richelieu, une lueur se fit à l'horizon, un cavalier, le frère du Père du Tremblay, apporta une lettre du Roi, le 7 mars 1619, et lui communiquait l'ordre de se rendre sur-le-champ à Angoulême, pour reprendre ses fonctions de chef du Conseil de la reine mère. Il partit le lendemain mais ils rencontreront plusieurs problèmes qui retardèrent le voyage. Il n'arriva à Angoulême que le 27 mars.
La reine était heureuse de le revoir en revanche Epernon et Ruccelaï ne partageaient pas la même émotion. Richelieu reprit ses fonctions. Il imposa à Epernon, Ruccelaï et la reine que la paix soit faite entre elle et sont fils. Elle montra quelques réticences mais la paix dite d'Angoulême fut signée le 12 mai. Richelieu avait obtenu le plus qu'il puisse avoir : l'amnistie pleine et entière était accordée aux conjurés, la reine recevait le gouvernement d'Anjou, la place forte d'Angers, les Ponts de Cés et Chinon.
Une fois de plus Richelieu avait fait un coup de maître, en satisfaisant les deux partis.

La drôlerie des Ponts-de-Cé

Comme chef du Conseil de la reine mère, il nomma son frère Louis gouverneur de la ville d'Angers. Mais Thémines, voulait aussi ce poste, et il provoqua Louis en duel, ce dernier mourut. La joie de Richelieu d'avoir retrouvé ses fonctions fut de courte durée, il aimait terriblement ses frères. C'est à ce moment là que sa haine contre les duels commença.
Malgré lui, il devait surmonter son chagrin. Il remplaça son frère par son oncle, Amador De La Porte, le commandeur de Malte. Son beau-frère, le marquis de Brézé, devint capitaine des Gardes. La reine mère approuvait toutes ses décisions.
Toutefois, il restait une chose assez importante à faire ; La rencontre entre Louis XIII et Marie de Médicis. Luynes voulait que la rencontre soit publique, Richelieu n'était pas opposé à cette idée, mais il tenait à recevoir une monnaie d'échange, le chapeau de Cardinal. Cette demande lui fut accordée, la rencontre aura lieu le 5 septembre 1619, au château de Couzières. La réconciliation fut brève mais effective, le Roi et la reine mère s'embrasèrent, s'échangèrent quelques mots démunis de chaleur. La rencontre se fit dans le parc du château sous l’œil attentif de l'évêque de Luçon et du beau-père de Luynes, le Duc de Montbazon, propriétaire du château. Après cette courte entrevue, fils et mère partirent séparément pour Tours, où la cour attendait.
Marie de Médicis devait céder la marche à sa belle-fille, la reine Anne d'Autriche. Après ce séjour à Tours, tout le monde retourna chez soi, Louis XIII à Paris, Marie de Médicis à Angers et Richelieu à Luçon.
Lorsque Marie de Médicis retourna à Paris, elle reçu de très grandes acclamations. Les titillements entre le Roi et sa mère reprirent de plus belle. Le colonel D'Ornano fut nommé gouverneur de Monsieur, frère du Roi, sans le consentement de la reine mère, le prince de Condé sorti de la Bastille, on le jugea victime du gouvernement précédent, et enfin le Roi approuva 60 chevaliers du Saint-Esprit, tous étaient des hommes de Luynes et les propositions que la reine mère avait faite ne furent aucunes retenues. La reine protesta, le Roi lui fit des promesses mais elles ne furent pas tenues.
Ces provocations étaient risquées et le mécontentement se généralisait. Luynes suivait exactement le même chemin que Concini, il avait les yeux et les oreilles du Roi mais ne possédait aucun titre, le Roi avait confiance en lui et ne décidait donc rien. Luynes profitait du Roi, qui lui laissait prendre des grosses initiatives et il en profitait pour placer des amis. Cette impertinente fortune ne pouvait durer plus longtemps. Néanmoins, Luynes avait encore une chance : faire revenir Marie de Médicis à Paris malgré les risques qu'il encoure. Il voulait éviter à tout prix un affrontement. Richelieu était maintenant le maître de la situation. Sans décevoir les messagers de Luynes, il s'efforçait de retarder le voyage tout en assurant que la reine y était décidée. En juin 1620, Luynes envoya son beau-père pour signaler à Richelieu que le Roi s'étonnait fort du comportement de sa mère. L'évêque devait décider la reine de partir au plus vite, sous menaces mais Richelieu ne s'émut pas outre mesure. Luynes s'abaissa jusqu'à se mettre à genoux pour avoir son appui. Richelieu demeura inébranlable, sans toutefois aller jusqu'à la rupture. Les plus audacieux du royaume rêvaient de débarrasser le Roi de son favoris, comme on avait fait pour le maréchal d'Ancre. Chez Richelieu un fond de loyalisme restait, pour lui la seule autorité valable émanait du Roi.
Toutes les places fortes de l'Ouest du royaume étaient aux mains des rebelles. Le Roi décida de partir pour la Normandie. Il parti le 6 juillet, avec son frère, le prince de Condé, trois maréchaux et six mille hommes. Le 8, il arriva aux portes de Rouen, le duc de Longueville déguerpit piteusement. La ville de Caen avait été fortifiée par le grand prieur de Vendôme, qui se replia précipitamment sur Angers, à l'annonce de l'arrivée du Roi et confia la défense de la ville à un capitaine, Prudent. La ville se rendit le 15 juillet. Ces nouvelles tombèrent sur les conjurés d'Angers, Marillac, qui avait promis 50 000 hommes n'en reçu que 15 000, mais les officiers étaient en trop grand nombre. Richelieu incita la reine a parlementer avec le Roi, mais il ne fut pas écouter. L'armée royale se rapprochait. Verneuil, Vendôme et Dreux ne résistèrent pas et ouvrèrent spontanément leurs portes. Le 2 août, elle était au Mans et le 4 à la Flèche où elle fut rejointe par Bassompierre, elle comptait désormais 12 000 hommes et 1200 chevaux. La partie était peine perdue pour les rebelles mais la reine avait la soif de vengeance. Leurs forces étaient insuffisantes pour défendre Angers, ils décidèrent de fortifiés en vitesse Les Ponts-de-Cé, qui donnent accès à Angers. Le 7 août, les troupes royales attaquaient Les Ponts-de-Cé. A dix-sept heures toute résistance cessa, Louis XIII était rester toute la journée à cheval, au milieu de ses hommes, les vétérans dont le vieux Bassompierre avaient les larmes aux yeux : C'était le bon Roi Henri qui ressuscitait ! Autour de la reine mère, régnait le K.O. Les uns lui conseillaient de se retirer à Angoulême, ce qui était impossible, les troupes royales gardaient toutes les portes, les autres à traiter. Seul Richelieu gardait son sang froid, il se rendit au camp royal où il fut bien accueilli. Les négociations aboutirent, le 10 août la paix était signée. Tout redevint comme avant, la reine mère conservait Angers, elle recevait une indemnisation pour couvrir les dettes qu'elle avait contractées. Les prisonniers étaient libérés, les rebelles gardaient leurs charges et leurs gouvernements, aucunes poursuites ne seraient engagées contre eux. Quant à Richelieu, on lui promettait fermement le chapeau de cardinal. Même bien plus, Luynes lui demanda la main de sa nièce de Pont-Courlay pour son neveu Combalet. Le 13, la mère et le fils se rendirent au château de Brissac où ils mirent fin à "la drôlerie des Pont-de-Cé". Le retour de celle-ci au Conseil n'était plus qu'une affaire de temps. Richelieu, rebelle pardonné, tira une merveilleuse leçon de ces évènements, comme il marqua dans ses mémoires : "Je reconnus, en cette occasion, que tout parti composé de plusieurs corps qui n'ont aucune liaison que celle que leur donne la légèreté de leurs esprits, qui, en leur fait désirer du changement sans savoir pourquoi, n'a pas grandes subsistances ; que ce qui se maintient par une autorité précaire n'est de grande durée; que ceux qui combattent contre une puissance légitime sont à demi défaits par leur imagination ; que leur imagination, qui leur représente les bourreaux en même temps qu'ils affrontent les ennemis, rend la partie fort inégale, y ayant peu de courages assez serrés pour passer par-dessus ces considérations avec autant de résolution que s'ils ne les connaissaient pas".

Le début de la guerre de Trente Ans

L'Europe restait toujours divisée en deux camps. D'une part nous avons les Catholiques, les Habsbourg d'Autriche et d'Espagne qui comptaient garder leur hégémonie sur la France. D'autre part les protestants, les Princes Allemands, qui supportait difficilement la pression que leur faisait l'empereur. En 1617, l'empereur Matthias n'était plus tout jeune et n'avait pas encore d'héritier. Il avait affaibli considérablement le pouvoir en l'arrachant autrefois à son frère aîné. Il désigna son successeur en la personne de Ferdinand, archiduc de Styrie. L'empereur mourut en 1619, les princes électeurs élurent donc Ferdinand empereur mais cette élection fut très mal acceptée. L'année précédente, les protestants de Bohême avaient jeté par la fenêtre ses envoyés, cette défenestration marqua le début de la guerre de Trente Ans, sanglant conflit entre l'Allemagne du Nord et l'Allemagne du Sud, qui se termina en 1648 avec les traités de Westphalie. La défenestration de Prague avait provoqué un sursaut général des protestants en Europe. L'électeur palatin Frédéric fut élu roi de Bohême, un affrontement était inévitable entre ce dernier et l'empereur Ferdinand. L'empereur appela au secours, et l'Espagne répondit à cet appel, ne pouvant tolérer la destruction de l'empire au profit des réformés et encore moins l'abaissement des Habsbourg. Parallèlement, Ferdinand demanda l'aide à la France. Elle avait un très important rôle à jouer ! Mais Louis XIII n'avait que 19ans, des ministres et un favori incapables d'affronter une telle situation. Le problème était que si elle les aidait à la restauration de la puissance autrichienne, c'était tout à fait contraire aux intérêts de la France et à sa politique traditionnelle. En revanche ne pas l'aider, c'était accroître indirectement la puissance des réformés, provoquer une éventuelle réaction des protestants français, qui pourrait-être dangereuse pour l'Etat et de plus c'était aussi desservir l'Eglise Romaine. Elle promit des soldats mais envoya des diplomates.Quand on ménage la chèvre et le chou, on est sûr de perdre sur les deux tableaux(Richelieu tel qu'en lui-même, Georges Bourdonove). En effet, les impériaux écrasèrent le prince Frédéric à la Montagne Blanche le 8 novembre 1620. Il fut dépossédé de ses Etats, la Bohême et la Hongrie fut ressaisit par l'Empire. Cette Bataille clôt la première partie de la Guerre de Trente Ans. La France en étant neutre permis la consolidation des Habsbourg d'Autriche, elle s'est transformée elle-même en puissance de deuxième rang. L'Europe toute entière la jugeait avec sévérité.
Une agitation gagnait les protestants de France, ils s'alarmaient devant la progression des Jésuites. Ils redoutaient une agression de la part des Catholiques car l'idée d'une extirpation de l'hérésie planait dans l'air. D'où le fait qu'ils organisent des réunions pour préparer une résistance en plus de leurs démarches auprès du roi d'Angleterre. Ils se trompaient, le Roi, Louis XIII ne voulait pas extirper l'hérésie mais faire cesser les allées et venues des protestants, ils les laissait libres de pratiquer toute religion mais non de former, comme le dit si bien Richelieu, "UN ETAT DANS L'ETAT".

Du rattachement de la Navarre à la paix de Montpellier

Depuis les Etats-Généraux de 1614, la question du rattachement de la Navarre au Royaume de France reste en suspens. Louis XIII se disait Roi de France et de Navarre, De France oui ! De Navarre non ! En effet la Navarre (et le Béarn) gardait ses propres lois, elle ne faisait pas réellement partie de la couronne de France. Autrefois, Jeanne d'Albret, qui n'est d'autre que la mère d'Henri IV, avait aboli, sur ses terres, le culte catholique. L'Edit de Nantes n'avait pas été appliqué en Navarre. En 1617, l'assemblée de La Rochelle avait pris position en faveur des Béarnais, se dressant contre l'autorité Royale. Ils s'armaient secrètement, certains cherchaient les affrontements sans réfléchir aux conséquences. La Force, gouverneur de Navarre était de ces exaltés. Ce fut dans cette atmosphère que Louis XIII décida d'en finir avec ce soulèvement encore plus important que celui des Grands. Il quitta Brissac et se dirigea vers le Sud. Les Béarnais, apprenant sa victoire aux Ponts-de-Cé, s'affolèrent et envoyèrent leur députés auprès du Roi, pour lui signaler qu'ils étaient prêts à combattre à ses côtés. Le Roi n'était pas dupe ! Ils cherchaient simplement a gagner du temps et à s'arranger pour que le Roi ne descende en Navarre. Le But de Louis XIII n'était pas de mener " une croisade ", comme le disaient le Cardinal de Retz et de La Rochefoucauld, analogue à la croisade contre les Albigeois à l'époque de Philippe Auguste. Le Roi poursuivit dons son dessein et entra dans la ville de Pau le 15 octobre 1620, le 19, le Roi abolit les milices locales et réinstalla le parlement. Le Béarn et la Navarre étaient officiellement et définitivement rattaché à la couronne de France.
Après cette promenade militaire menée par le Roi de France, les protestants se ressaisirent, ils formèrent une assemblée de 65 membres à La Rochelle nonobstant que le Roi l'a interdite. Les gouverneurs des villes et places de sûreté reçurent l'ordre de se préparer à soutenir un siège. Ce conseil extraordinaire décréta la mobilisation générale. En février 1621, la ville de Privas fut enlevée par surprise. La guerre était imminente. Le 24 mars fut l'ultimatum pour le Roi. Impossible de reculer, il leva une armée de 40 000 fantassins et 6 000 cavaliers. Le Roi quitta Fontainebleau avec son favori qu'il venait d'élever au rang de connétable, il déclarait l'assemblée et ses adhérents criminels de Lèse-Majesté, mais exceptait les protestants qui restaient fidèles à la Royauté. Louis XIII et son armée prirent les villes de Saint-Jean-d'Angély, Pons, Castillon, Sainte-Foy, Nérac. Ils arrivèrent aux portes de Montauban, importante place de sûreté, le 17 août. La ville était bien protégée, Luynes rayonna de son incompétence et perdit énormément d'hommes, il mourra trois jours après avoir pris Monheurt (12 décembre), une place de sûreté négligeable, ce qu'il lui évita la disgrâce. La Rochelle était protégée par le Duc d'Epernon mais ne résista guère longtemps en raison du manque de troupes. Pendant l'hiver, le Duc de Rohan retint l'armée de Lesdiguières, fortifia Nîmes et Uzès. Dans l'Ouest, Soubise (le frère du Duc de Rohan), s'emparait de l'île d'Oléron, de Royan et de la tour de Mornac. Louis XIII reprit sa campagne le 20 mars 1622. Soubise s'était abrité derrière les marécages de l'île de Ré, proche de Challans croyant que le roi ne viendrait pas s'aventurer dans ces terres où il était très difficile de faire passer une armée. Mais Louis XIII audacieux et ayant le même coup d’œil que son père, mena lui-même ses régiments et pris Soubise par surprise, la victoire fut totale. Il en profita pour reprendre le fort de La Chaume, Royan et pénétra en Guyenne où Sainte-Foy-la-Grande se rendit. Les armées Royales s'approchaient de nouveau de Montauban mais le Roi ne voulait pas renouveler l'expérience de l'année dernière. Il passa donc son chemin et continua à reprendre les villes de Négrepelisse, Maugio, Lunel, Sommières. Les Royaux arrivaient en vue de Montpellier. Constatant qu'ils ne pouvaient pas vaincre le Roi, les protestants étaient prêts à négocier. Le Roi voulant économiser ses soldats, fit preuve d'une extrême clémence. La Paix de Montpellier, fut signée le 18 octobre 1622. Elle confirmait l'édit de Nantes et amnistiait les rebelles. Ainsi tout rentra dans l'ordre, les huguenots redevenaient des sujets du Roi de France. Ce n'était une "demi-paix" mais nécessaire car l'Espagne abusait des faiblesses internes de la France. L'Espagne avait reprit la Valteline. Louis XIII ne pouvait tolérer les conquêtes du Duc de Feria mais il était embarrassé dans les affaires protestantes de son Royaume. Pour éviter la rupture diplomatique, il envoya Bassompierre en ambassade extraordinaire à Madrid. Le Roi d'Espagne Philippe III se trépassait, il recommanda à son fils Philippe IV, d'évacuer la Valteline. Un traité fut donc signé à Madrid mais ne fut pas respecté. La Savoie, Venise, les Grisons imploraient au Roi de France de les aider à chasser les Espagnols.

Richelieu devient Cardinal

Après la signature du traité de Montpellier, Louis XIII pouvait enfin s'occuper de la Valteline sans craindre une quelconque attaque des protestants de France. Il quittait le Languedoc pour s'installer à Avignon momentanément, où le duc de Savoie, le rejoindrait. Là-bas, il a réuni un conseil pour analyser la situation. Charles-Emmanuel, le duc de Savoie, a proposé la création "d'une ligue offensive et défensive" dont le but est d'obtenir l'évacuation des forts de la Valteline. Louis XIII n'a pas refusé cette proposition mais a préféré se maintenir, pour le moment, au traité de Madrid, qui laissait aux Espagnols un délai de trois mois pour mettre fin à leur occupation de la Valteline. Ensuite, le Roi se rendait à Lyon toujours en compagnie du duc de Savoie. Où ils attendaient une réaction des Espagnols, face à la création de cette Ligue, en vain. Après le retour à Paris de Louis XIII, le Premier ministre Espagnol, Olivarès, proposa de soumettre le contrôle de l'affaire de la Valteline au Saint-Père, alors Grégoire XV, et en attendant une réaction de ce dernier, installer les troupes pontificales dans la vallée. Louis XIII acceptait tant bien que mal sous la pression de l'Eglise. Durant les années qui venaient de s'écouler, Louis XIII avait triomphé sur le parti de la reine-mère et sur le parti protestant français, ou en tous cas pour quelques années seulement. Mais la France avait aidé à reconstruire l'Empire Allemand, l'Espagne se permettait de ne pas suivre ses engagements. Bref, la France n'était plus respectée sur la scène internationale et disparaissait sous l'ombre des Habsbourg.
Après la mort de Luynes, très peu regrettée, ce dernier laissait une place libre de favori aux côtés du Roi. Louis XIII avait pris la résolution de ne plus avoir de favori. Mais ayant pris l'habitude de ne rien décider sans le consulter, il se retrouvait face à lui-même et face à sa nature, qu'il lui demandait d'avoir à ses côtés une personne de confiance. Richelieu suivait toutes les affaires avec une grande attention et notait les fautes réalisées, il n'hésitait pas à critiquer sèchement les ministres. Il travaillait toujours avec la plus grande ferveur, au rapprochement du Fils et de la mère. Il avait décidé celle-ci de reprendre sa place au Conseil du Roi, malgré les refus perpétrés de son Fils. Finalement, Louis acceptait son retour. C'était une grande victoire pour Richelieu ! La reine-mère n'osait ni trop intervenir, ni se heurter contre les décisions de son Fils durant les Conseils Royaux. La reine-mère encourageait Louis à ne pas partager son pouvoir, même avec elle ! Louis XIII se méfiait d'elle, cette insistance le mis sur ses gardes et réveilla ses soupçons. Il craignait que sa mère ne cherchât à le dominer comme au temps du maréchal d'Ancre. Mais ce qui le gênait le plus, c'était la présence de Richelieu à ses côtés. Il ne voulait plus de favori mais ça le froissait que sa mère en eût un. Cependant, Louis, pour être agréable à sa mère, a écrit à Rome pour que Richelieu obtienne le chapeau de cardinal. Cette promotion la tenait particulièrement à cœur, il croyait que portant la robe rouge, son petit protégé entrerai plus facilement au Conseil. Le 5 septembre 1622, Richelieu était nommé Cardinal et le 10 décembre, Louis XIII lui remit officiellement la barrette. Et comme Mazarin, une dizaine d'années plus tard, il se dispensait de faire le voyage ad limina, auprès du Pape, auxquels les nouveaux cardinaux étaient assujettis.
Voici un extrait de la traduction française de ce que le Pape lui a écrit en latin : "La splendeur de tes mérites brillait d'un tel éclat dans la république chrétienne qu'il importait à la Gaule tout entière que tes vertus fussent distinguées par la gloire d'insignes sacrés, puisque ces distinctions font plus pour frapper l'imagination des hommes que la vertu sans ornement ... Continue à augmenter en Gaule la dignité de l'Eglise, écrase les forces de l'hérésie, sans te laisser épouvanter par les difficultés, marché sur les aspics et les basilics ; Ce sont là les grands services que l'Eglise attend et exige de toi." Lors la remise de la barette, Richelieu adressa un discours de remerciement au Roi, tout en lui proposant ses services.(Richelieu tel qu'en lui-même, Georges Bourdonove). Le soir même, il offrit, à toute la noblesse, un immense banquet. Il avait alors 37 ans, cette promotion au cardinalat, pour les ecclésiastiques était signe d'une éblouissante réussite, la simarre rouge lui allait comme un gant ... Pour Richelieu, c'était un moyen supplémentaire de se rapprocher de son Roi. Toutefois comme le signalait Grégoire XV sans y songer réellement en écrivant sa lettre, il lui fallait "Marcher sur les aspics et les Basilics". Il remet ses affaires en ordre ; il se retirait de l'évêché de Luçon et de sa fonction d'aumônier. Puis il se mit à attendre, laissant le temps faire les choses, tout en l'aidant un peu tout de même ...

Son retour au Conseil du Roi

Les ministres, voyant Richelieu monter les échelons de la hiérarchie, le tenaient de plus en plus à l’œil. Tout le monde voulait l'éloigner du pouvoir. Le Roi dit de Richelieu, à Praslin : Voilà un homme qui voudrait bien être de mon Conseil, mais je ne puis m'y résoudre après tout ce qu'il a fait contre moi.
Des pamphlets circulaient dans le Royaume. Ils exposaient les mérites et les désirs de Richelieu pour entrer au Conseil du Roi. Ils signalaient par ailleurs les incompétences des ministres en place. Sillery prit peur et demanda à Louis de remplacer Schomberg, alors ministre des finances, par La Vieuville. Ce dernier avait également la charge de reformer un nouveau gouvernement. Il donna la garde des sceaux à d'Aligre et divisa le secrétariat des affaires étrangères en quatre. Mais Richelieu ne s'y trouvait pas, lui ne proclama point mais, son alliée, la reine-mère, en signe de contestation, cessa d'assister au Conseil Royal. La Vieuville, attaqué d'un côté par de savantes rumeurs et de l'autre par son inaptitude à solutionner les questions politiques internationales. Il pria ainsi à la reine-mère de reprendre sa place au Conseil, sachant très bien, que Richelieu l'aiderait à résoudre ces problèmes. Mais cette dernière, décréta ne reprendre sa place que si Richelieu pouvait également en faire partie. Mais la question d'éloigner le Cardinal du pouvoir les hantait encore. La Vieuville décida de créer un Conseil des dépêches et en offrira la présidence au Cardinal, ce Conseil n'était qu'un stratagème. Richelieu refusa. La Vieuville décida plus tard sous conseil du Roi, d'offrir à Richelieu l'ambassade d'Espagne. Celui-ci refusa une seconde fois. Mais la reine-mère, avec son tempérament italien, restait sur ses positions. La Vieuville, après tous ses efforts sans succès, alla demander au Roi, l'entrée de Richelieu au Conseil, tout en mettant l'accent sur le fait que le Cardinal n'y siégerait qu'a titre consultatif. Louis XIII accepta, sa décision était déjà prise depuis un certain temps. En effet, il lui arrivait de plus en plus fréquemment d'aller consulter Richelieu, pour avoir de ses brillants conseils.
Le 29 avril 1624, Louis XIII signalait à sa mère sa décision et plaça Richelieu à son Conseil. Tout en lui rappelant qu'il n'était là ni pour les affaires concernant la justice ni pour les finances et encore moins pour les affaires de l'Etat, Richelieu ne siégeait au Conseil qu'au seul but de donner son avis. La surprise fut totale, personne ne pensait que Richelieu allait entrer de si tôt au Conseil. Le Conseil se composait outre le Roi, de la reine-mère, du connétable de Lesdiguières, du garde des sceaux d'Aligre, du surintendant des finances La Vieuville, du cardinal de la Rochefoucault, des quatre secrétaires d'Etat aux Affaires étrangères et de Richelieu (Richelieu tel qu'en lui-même, Georges Bourdonove). La Vieuville était mal à l'aise devant Richelieu, il tremblait de peur devant son esprit triomphant et de sa courtoisie ironique. La Vieuville ne savait pas maîtriser la situation, tous les problèmes arrivaient à lui en même temps. Quant à Richelieu, il écoutait, prenait des notes, étoffait ses dossiers et ses connaissances, et par-dessus tout était heureux de voir s'envaser son rival.
Louis XIII mettait beaucoup de temps à avoir la confiance de Richelieu. Des informations très importantes étaient parvenues au Roi. Elles signifiaient que La Vieuville modifiait les décisions du Conseil, ainsi que les ordres du Roi. Ce dernier pris l'initiative de l'éloigner. Louis XIII appela alors le Cardinal dans un cabinet de l'appartement de la reine, pour l'interroger sur son rival, La Vieuville. Richelieu confirma ces informations et en profita pour faire remarquer à Sa Majesté tous les désordres du gouvernement. C'est alors que le Roi lui fit part de sa décision à réorganiser tout ce gouvernement chaotique. Mais Richelieu lui conseilla de ne pas trop vite choisir et de bien réfléchir sur cette importante question où l'on ne peut plus faire demi-tour. Le Roi va lui accorder sa confiance pour rétablir une équipe ministérielle convenable, confiance qui sera signalons le, un deuxième test pour le Cardinal. Ce n'était point une improvisation pour Richelieu! Il fit son rapport au Roi et désigna Schomberg (qui avait déjà été surintendant des finances et tout d'abord un homme d'armes), Champigny et Marillac qui eux seront les secrétaires de Schomberg. Il ne restait plus qu'à se défaire de La Vieuville. Il savait que le Roi et le Cardinal avaient eu des entretiens. Il avait très peur et voulait se raccrocher à des amis mais tous l'abandonnait. Il résolut de se rendre chez Richelieu. Démarche totalement inutile, vous vous doutez bien ! Richelieu ne lui dira rien le concernant. Il décida de faire de même envers Louis XIII, mais ce dernier à toujours tût les réponses aux questions de La Vieuville. Alors celui-ci demanda au Roi sa démission, Louis la refusa, il préférait qu'il soit destitué et jugé. Le lendemain matin, le Roi convoqua La Vieuville dans son cabinet pour lui faire part de sa sentence. La Vieuville essaya de se défendre, en vain. A la sortie du château, il fut arrêté et emmené au château d'Amboise pour y être incarcéré. Une personne était heureuse, je crois qu'il serait inutile de préciser qui est cette personne! Le 18 août, Schomberg était nommé officiellement surintendant des finances. Aidé de Bochart de Champigny et Michel de Marillac. Les quatre secrétaires d'Etat aux Affaires étrangères du précédant Conseil furent maintenus mais passèrent sous les ordres du Cardinal de Richelieu. D'Aligre, l'ex garde des sceaux prit la place de Brûlart de Sillery (décédé) à la Chancellerie de France. Quant à Richelieu, il devient Chef du Conseil, après le Roi. Officiellement, il ne portera ce titre que beaucoup plus tard mais réellement, il l'était depuis le 13 août 1624.
Ce nouveau gouvernement fut bien accueilli partout dans le Royaume. La reine-mère se vantait d'avoir sorti ce petit évêque du néant, elle se voyait déjà reprendre son influence sur Louis. Certaines rumeurs disaient que Richelieu n'allait rester guère plus longtemps que La Vieuville. Richelieu restera au ministère pendant dix-huit années, en signifiant au Roi : Que le Roi pensait à ses affaires comme il était à désirer. Il travaillera durant ces années à faire respecter l'autorité du Roi sur tous ses sujets, y compris son favori, le Cardinal de Richelieu. L'Ambassadeur de la République de Venise, à Paris, écrira d'eux : Autant qu'il est possible de prévoir humainement l'avenir, ce nouvel édifice ne s'écroulera pas aussi facilement que les autres. Il avait raison, d'ailleurs, il ne s'écroulera pas d'une pierre!

Sa véritable participation au pouvoir commence !

Tout d'abord parlons des relations qui unissaient le Roi, Louis XIII et son ministre, Richelieu. Bien que Louis estimait Richelieu, il ne l'aimait pas. Louis n'arrivait pas à oublier tout ce qu'a fait Richelieu auparavant telles que sa participation au ministère de Concini, sa proche collaboration avec Marie de Médicis et son attitude bizarre lors de la drôlerie des Ponts-de-Cé. Louis XIII était Roi par la grâce de Dieu et Lieutenant de Dieu en son Royaume. Il tenait cette notion très à cœur, il était le guide et le protecteur de son peuple. Ainsi cette autorité ne pouvait ni se partager, ni se déléguer. Une personne n'existait que par sa volonté et pouvait disparaître par un simple claquement de doigts, même si cette personne porte la robe cardinalice. Richelieu jamais ne se permit une quelconque familiarité avec son Roi, même à son apogée, même si le Roi le lui permettait, jamais il ne se permit celà! Il parlait à son Roi sur le ton que parle un serviteur à son maître. Nonobstant sa supériorité intellectuelle, Richelieu savait qu'au fond, la réelle autorité valable était celle que Dieu avait choisie, le Roi. Cependant, Richelieu et Louis XIII avait deux idées ou plutôt deux façons de penser en commun et qu'ils partageaient : la volonté de grandeur et l'appétit de gloire.
Richelieu avait bel et bien les mains liées à son arrivée au pouvoir. D'une part, dès sont entrée au Conseil, il recevait, de tous les milieux aussi bien des parlementaires, des prélats, des princes, du Tiers-état, des lettres d'encouragement et de félicitations. Toutes ces personnes promettaient au Cardinal leur aide et leur appui en cas de besoin. Richelieu savait que ces lettres n'avaient comme but que son éviction du pouvoir. D'autre part, il savait que sans la reine-mère, il n'aurait rien été et qu'il restait toujours "la créature" de Marie de Médicis ou devait le faire paraître. Cette femme ne voulait pas la prépondérance de la France sur le continent mais simplement la grandeur de son fils. C'était un véritable boulet que Richelieu traînait derrière lui.
Richelieu pendant toutes ses années de ministère, gardait une idée en tête : Il ne faut pas avoir de guerre avec l'Espagne. Une lutte cependant unissait, si je puis dire, les deux pays; cette lutte n'est d'autre que celle qui oppose Catholiques et protestants. Mais nous savons parfaitement que les Espagnols dans le genre Catholiques, ils sont très forts. D'où, le fait, entre autre, que le pape soit d'origine hispanique et qu'il prenne une certaine distance vis-à-vis de la France. L'Espagne, unie bien sûr à l'Empire d'Autriche, sous prétexte de servir et de protéger le Catholicisme, prennent part à une politique d'intimidation visant la France. La France était maintenant entre deux eaux, soit, elle combattait les protestants mais alors participerait à la grandeur des Habsbourg ou alors elle combattait l'Espagne mais par conséquent soutiendrait le parti protestant.
Voici la vue résumée de Richelieu sur le sujet : "Notre politique intérieure requérait la plus grande vigilance à l'encontre des protestants, dont le parti demeurait hostile et pugnace malgré la paix de Montpellier. Notre politique extérieure nécessitait, impérieusement, une guerre couverte, à défaut d'une guerre ouverte avec l'Espagne : il fallait donc en finir avec notre isolement, renouer les alliances que nous avions laissé se dégrader, en contracter des nouvelles, bref reprendre la politique d'Henri IV. Un tel revirement débouchait sur une rupture probable avec l'Espagne. Il importait de l'éviter tant que nous n'aurions pas les moyens matériels de soutenir un conflit armé sur plusieurs fronts. D'où l'urgence de mettre fin au désordre et à la gabegie."(Richelieu tel qu'en lui-même, Georges Bourdonove)
Voici les premières affaires du nouvel homme d'Etat. Malgré qu'elles soient d'une grande importance et difficulté, Richelieu était courageux et ça ne lui faisait peur aucunement tout du contraire. Mais il n'était pas vraiment maître de la situation, alors il devait éviter à tout prix les faux pas et obtenir le plus vite possible des résultats positifs pour fonder sa réputation.

Ses premiers travaux et la situation de l'Europe à cette époque

Trois grosses questions n'étaient pas encore classées, lors de son entrée au Conseil du Roi :

  • la Valteline.
  • le mariage de Henriette de France, sœur de Louis XIII, avec le futur Charles Ier.
  • l'aide à la Hollande qui est alors en lutte avec l'Espagne.

Ce ne fut pas facile de trouver une solution et s'y tenir car il faut également savoir qu'à cette époque l'Europe est un chaos total. La grande araignée, qu'est l'Espagne, imposait sa toute puissance aux autres Etats. Elle possédait un grand nombre de colonies dans lesquelles on exploitait les mines d'or et d'argent au rendement maximum, elle avait des Etats en Italie et en Flandre, elle avait également l'appui quasi total de l'Eglise Catholique ainsi que de ses ramifications incalculables et similaires à une autre araignée. Mais l'Espagne malgré sa supériorité possédait des failles et Richelieu les connaissait. Elle courait à la ruine suite à un mauvais gouvernement et une mauvaise gestion des finances, ce qui entraîne par ailleurs un gros affaiblissement de l'économie du pays. Contrairement à la France, qui ne possédait ni de mines d'argent ni d'or, qui a subit beaucoup de coups durs pendant les guerres de Religions. Cet Etat, très appauvrit, était finalement plus riche que ses voisins, du à son économie qui était en expansion. L'Espagne soutenait ses cousins d'Autriche. Malgré sa restauration du pouvoir impérial, l'Allemagne retombait dans l'anarchie la plus totale. Les protestants se relevaient contre les Catholiques. Maximilien de Bavière, obtient le titre de grand électeur du Palatinat et Frédéric, le palatin chassé, s'était réfugier chez le Roi d'Angleterre, Jacques Ier Stuart, qui n'était autre que son beau-père et défenseur du protestantisme. Il voulait que son gendre récupère le Palatinat et pour celà encourageait les révoltes protestantes. Les Allemands et surtout le peuple souffraient atrocement mais gardaient l'espoir que la Religion allait les sauver.
Les Hollandais, quant à eux, ont secoué un peu les Espagnols. Ils étaient entrés dans une lutte inégale et totalement désespérée dont la capitulation de la ville Breda, le 25 mai 1625 marquait la fin après plus d'un an de siège. La Sérénissime République de Venise, la Savoie et l'Etat Romain étaient les seuls états d'Italie qui ont gardé leur indépendance, le reste était sous l'emprise de Philippe IV d'Espagne. Les Pays-Bas, la Savoie et Venise comptaient sur la France pour les aider, c'était en quelques sortes les alliés de Louis XIII. L'Etat Romain, je ne vous fais pas un dessin, était bien sûr l'allié de l'Espagne.
Richelieu devait tenir compte de tous ces paramètres en y ajoutant bien sûr la dangerosité du parti protestant et la jalousie ou plutôt la méchanceté des Grands qui n'attendant autre chose qu'un mauvais succès, pour se servir du talent qu'ils ont acquis à faire du mal à ceux qui servent le public (Tiré des mémoires de Richelieu). La route que Richelieu devait suivre n'était d'autre qu'une route de montagne; Sinueuse, dangereuse et étroite. De plus, le temps le pressait, il ne se donnait aucunement le droit de prendre du retard. Il devait aussi se charger de séparer la foi et la politique de Louis XIII. En effet, la ferveur religieuse de Louis XIII rejoignait celle de Saint-Louis, il détestait les Espagnols mais politiquement, il était du côté de ceux qui défendaient la foi Catholique. Richelieu su lui apprendre à dissocier ces deux choses.

Sa méthode de travail et son personnel

Richelieu, à son arrivée au pouvoir, n'était certainement pas un amateur. Durant, ses années d'isolement, il avait réussi à acquérir une très efficace méthode de travail, il ne lui restait plus qu'a actualiser ses vieux dossiers. Cette méthode de travail était la suivante, simple d'apparence mais au fond très dure. Il éccorchait ses dossiers se rapportant à chaque affaires, rédigeait pour chacun, une analyse, tout en divisant les problèmes et en attribuant à ces derniers sa ou ses solution(s). Il pesait, avec le soin dont nous lui connaissons, le(s) pour(s) et le(s) contre(s). Et pour finir, il écrivait sa conclusion car n'oublions pas que la seule et unique décision valable est celle de Sa Majesté le Roi de France et de Navarre.
Richelieu était un grand insomniaque, et, "pour tuer sont temps", consacrait ses nuits à la rédaction de ses mémoires, qu'il transmettait ensuite à Louis XIII.
En plus de ces travaux de lectures-analyses-conclusions, Richelieu entretenait une très grande correspondance avec tout le monde. Il avait pour principe de répondre à toutes ses lettres, il était tout de même aidé dans cette tâche par son fidèle secrétaire, Charpentier, aidé lui-même par les abbés de La Cochère et Fancan. Richelieu préférait travailler avec des gens qu'il connaissait déjà et avait pleine confiance en eux. C'est pour cette raison qu'il gardait à son service l'intendant Le Masle, Bouthereau et son valet de chambre Desbournais. Il avait appelé également à son service, son meilleur et plus fidèle ami, conseillé, ambassadeur, agent secret et même confident, je veux bien sûr parler de ce mystérieux capucin à la barbe rousse, et à la soutane grise, le père Joseph du Tremblay, plus connu sous le nom de l'Eminence Grise en comparaison avec Richelieu, l'Eminence Rouge. C'était l'ombre du Grand Cardinal, Richelieu ne faisait rien sans son avis, malgré ses fougueuses envies de mener une croisade contre les Turcs, qui égarait souvent sa pensée, son ami, Armand, le resaisissait. Il connaissait tout sur tout, avait voyagé partout en Europe, c'était l'informateur du Cardinal, à la fin on finissait par craindre plus l'Eminence Grise que la Rouge. Richelieu n'avait aucun conseillers mis à part le père Joseph du Tremblay. Ses autres serviteurs, y compris Charpentier, n'étaient que les exécutants des ordres cardinalices. Personnes ne se permettaient des familiarités et encore moins des infidélités envers le Cardinal. Une personne a tout de même osé le trahir par l'appat du gain, l'abbé de Foucan. Richelieu, pour apporter une touche d'élégance et de grâce dans sa maison, pria sa nièce, Melle de Combalet, de venir l'aider dans sa grande demeure. Il l'a fit ainsi sortir du couvant des Carmélites, où elle n'avait pas encore fini son noviciat. Ca lui changeait les idées de voir une autre personne que ses banals domestiques.

Une tornade blanche s'abat sur Madrid et Rome

Voici pour commencer le point de vue global de Richelieu sur l'affaire de la Valteline : "On ne peut douter que les Espagnols n'aspirent à la domination universelle et que, jusqu'à présent, les seuls obstacles qu'ils ont surmontés sont la séparation de leurs Etats et la faute d'hommes. Or, par l'acquisition de ces passages, ils remédient à l'un et à l'autre."(Richelieu tel qu'en lui-même, Georges Bourdonove)

Faisons tout d'abord un résumé des évènements qui ont secoué l'affaire de la Valteline :
Au temps du ministère de Luynes, les Espagnols avaient pris possession de la vallée de la Valteline sous le prétexte qu'ils secouraient les habitants de cette vallée, qui étaient Catholiques contre leurs voisins, les Grisons, qui étaient protestants. Louis XIII envoya dès lors Bassompierre à Madrid en tant qu'ambassadeur extraordinaire pour apposer la signature de Philippe III, sur le traité de Madrid. Ce traité signifiait aux Espagnols d'évacuer la vallée. Le 15 avril 1621, Bassompierre avait la signature, mais les Espagnols, profitants des ennuis intérieurs de la France, ne firent aucun mouvement. Au temps du ministère de Brûlart, Philippe IV feignit d'accepter les demandes de Louis XIII, il signa en mai 1622, la convention d'Ocana avec l'ambassadeur de France en Espagne, Du Fargis. En attendant que se règle cette affaire entre le pape, le Roi de France et le roi d'Espagne, la vallée serait placée sous la tutelle du Grand-Duc de Toscane. Mais finalement, se fut les troupes pontificales qui occupèrent la Valteline. Le prétexte était le fait d'avoir une plus grande garantie de neutralité mais vous le devinerez, cette neutralité était très insuffisante aux yeux de Louis XIII et de Richelieu. Tout le monde connaissait les penchants hispanophiles d'Urbain VIII tout comme ceux de son prédécesseur, Grégoire XV.
Les propositions d'Urbain VIII étaient inacceptables, voici les deux premières : Démolition des forts de la Valteline et la restitution de la suzeraineté des Grisons. Ces deux points sont acceptables mais voici les deux suivants : Interdiction d'y pénétrer en armes et libre passage espagnol sortant d'Italie. Richelieu venait d'entrer au Conseil, il commença par stimuler La Vieuville, qui était toujours aussi immobile qu'une pierre dans le désert. Pour intimider le souverain pontife, La Vieuville envoya en Suisse une armée de sept mille hommes, commandée par Annibal d'Estrées, marquis de Coeuvres. Le 13 août, Richelieu devenait officieusement Chef du Conseil.

Le 5 septembre 1624, Louis XIII mit en garde le pape de l'exécution, en bonne et due forme, du traité de Madrid. Urbain VIII ne prêta pas grande attention aux menaces des Français. Le 26 novembre, les troupes françaises envahissaient complètement la Valteline. Urbain VIII était, premièrement, surpris car le gouvernement français, depuis des années, menaçait sans jamais agir. Deuxièmement, il était furieux qu'un Roi catholique repousse les forces pontificales.
Le 5 septembre 1624 également, la ligue offensive et défensive fut renouvelée et entra dans une phase active. Louis XIII et Richelieu voulait une diversion. Ce dernier persuadait le duc de Savoie d'assiéger Gênes avec l'aide de Lesdiguières. N'oublions pas que Gênes était alors le port principal par lequel voyageaient toutes les marchandises en direction et en provenance de l'Espagne mais cette ville possédait également une banque internationale très utile pour Madrid.
Toujours grâce à la stimulation de Richelieu, La Vieuville accéléra les négociations avec les Hollandais. Mais Louis XIII hésitait, une partie de son Conseil voulait une alliance avec un Etat protestant mais craignait la colère de Rome. Qu'a cela ne tienne, le projet de traité fut signé à Compiègne, le 20 juillet 1624. Le 18 août de la même année, La Vieuville était arrêté, Richelieu réouvrit le dossier et versa deux millions de livres aux Hollandais pour continuer à soutenir le siège de Breda. En échange, les Hollandais s'engageaient à fournir vingt vaisseaux de guerre à la France et à ne pas traiter avec les Espagnols sans l'accord du gouvernement français.
Richelieu mettait l'Espagne en grandes difficultés aussi bien au Nord qu'au Sud, sans toutefois lui déclarer la guerre. Il assurait également à Philippe IV les objectifs pacifiques de la France et envoyait de plus en plus des témoignages de respect envers Sa Sainteté. En outre, il envoya à Rome, son ami, le Père Joseph, pour calmer les inquiétudes d'Urbain VIII.

Préparation du mariage avec l'Angleterre

Richelieu attachait une aussi grande importance au projet de mariage entre Henriette de France et le prince de Galles, futur roi d'Angleterre et fils de Jacques I Stuart, roi actuel. Il faisait cela pour étoffer les alliances et faire pression aux Habsbourg, il reprenait en même temps la politique d'Henri IV, faisons un saut dans le passé!

Jacques I était par moment intelligent mais parfois, totalement inconscient. Il s'était donné comme favori, Georges Villiers, plus connu sous le nom de duc de Buckingham. Il était plus qu'un favori, non seulement Jacques I le comblait de biens mais encore mieux, il le laissait gouverner à sa place. Buckingham était comblé par la fortune, rien ne lui résistait. De plus, il était impulsif et ne possédait aucune ligne politique sinon celle de se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Son rapide succès et sa puissante élévation attiraient sur lui de très solides ennemis.
L'Espagne cherchait un allié et en même temps avait peur de la flotte anglaise. Elle avisait donc son ambassadeur Gondomar à convaincre le duc de Buckingham des avantages d'un mariage entre les deux royaumes. Luynes à la même époque proposait pour des raisons identiques une union entre les Stuarts et les Bourbons. Sa proposition fut évidement rejetée au profit des négociations avec Madrid. La diplomatie était lente et les négociations n'avançaient guère. Buckingham décida subitement de prendre les choses en main et de forcer le destin. Il emmena incognito le prince de Galles en Espagne, pour faire irruption dans l'Escurial, afin que le futur Charles I puisse séduire l'infante. Mais ils se heurtèrent à un immense mur, la rigidité du Premier ministre, Olivarès. Ce dernier exigeait une abolition des lois contre les catholiques anglais. L'échec de Buckingham était total, de plus il devenait sujet à des moqueries par les hidalgos et leur épouses qui n'appréciaient guère ses extravagances. Il revint donc sur l'île britannique, plein de haine envers les Espagnols. A sa grande surprise, les Anglais l'acclamaient car ils ne voulaient pas d'une reine espagnole sur leur trône. Mais cet enthousiasme retomba aussitôt que la préparation d'une guerre éventuelle contre l'Espagne avait commencé.
Buckingham était maintenant forcé à se tourner vers la France, il envoya donc à Paris un ambassadeur extraordinaire, en la personne du comte de Holland, pour demander la main d'Henriette de France. Mais à Londres, on croyait que Marie de Médicis avait repris son emprise sur son fils, ainsi, Lord Holland allait, en premier, demander l'appui de la reine-mère. C'était une mission a priori impossible, la reine-mère haïssant les hérétiques, elle n'acceptera jamais de donner la main de sa fille à un protestant. Mais Richelieu, prévoyait tout, et il avait son plan et les arguments nécessaires pour faire accepter la nouvelle à Marie de Médicis. Il sut la convaincre; Mère du Roi de France, belle-mère du roi d'Espagne et belle-mère du roi d'Angleterre, que pouvait-elle demander de plus avec une destinée aussi brillante ? Quant à Louis XIII, il accepta tout de suite car il comprenait très bien l'enjeu politique de ce mariage.
Cependant, il régnait encore sur ce mariage un énorme problème. Sa Sainteté, Urbain VIII, n'accordait pas la dispense nécessaire, tant que les lois sur les Catholiques anglais n'étaient pas abrogées. Et le problème se trouve ici : Le roi d'Angleterre et son fils avaient juré devant le parlement de respecter ces lois, ils leur étaient donc impossible de s'en défaire sans exposer la couronne des Stuarts à des rébellions. Et quant au Pape, il ne pouvait en aucun cas abandonner les Catholiques anglais aux harcèlements et aux affronts des protestants. La Vieuville avait été incapable de résoudre ce problème, la balle est maintenant dans le camp de Richelieu ...
Buckingham, une fois de plus, s'impatientait terriblement, il voulait ce mariage à tout prix. Tout comme pour le mariage espagnol, il voulut accélérer les choses. Il envoya donc un deuxième ambassadeur, Lord Carlisle. Ces insistances donnaient de l'assurance et des idées à Richelieu. Il posait comme conditions l'abolition des lois contre les Catholiques anglais, la liberté de culte pour la future reine et l'éducation de ses enfants dans la foi romaine. Il prit ainsi le risque d'une rupture avec l'Angleterre mais il savait par-dessus tout que Jacques I voulait cette alliance. De plus, c'était aussi le moyen de satisfaire le parti dévot et d'amadouer le Pape, car n'oublions pas que quelques semaines plus tard, le marquis de Coeuvres s'apprêtait à envahir la Valteline!
Bien entendu, les Anglais refusaient ces conditions mais Buckingham ressaisit le roi, l'empêcha d'annuler le projet de mariage et convainquit Jacques I de poursuivre les négociations. Richelieu envoya à Londres le marquis d'Effiat (père de Cinq-Mars, dont on parlera plus tard). Il avait pour mission d'apporter des conditions un peu moins violentes que la dernière fois. Le message comportait une promesse de dot de huit cent mille écus, par contre il faudra que la liberté de culte soit assurée à la reine ainsi qu'a sa suite, elle aura ses prêtres et sa chapelle, elle élèvera ses enfants (sans précision de la religion ... vous vous doutez bien de la raison!), et pour finir, il faudra que les Catholiques anglais cessent d'être persécutés. Jacques I accepta désespérément ces conditions. Buckingham précisa à son roi de montrer sa bonne volonté vis-à-vis de ses conditions en abolissant immédiatement les lois sur les Catholiques. Ce tournant dans l'Histoire anglaise marqua le début de la fin du règne des Stuarts.
Mais, hélas, les négociations n'étaient pas finies. Il restait à attendre la dispense du Pape. Richelieu envoya ainsi le père de Bérulle à Rome pour accélérer les choses. Cet ecclésiastique était célèbre pour ses onctueux discours et son efficacité à convaincre. Il démontra somptueusement à Urbain VIII que Richelieu n'avait jamais cessé de combattre la Réforme et même s’il traitait avec les protestants (alliances avec l'Angleterre et la Hollande), ce n'était qu'une façon de priver tout secours, de ces deux nations, aux protestants français. Le souverain pontife accorda la dispense. Aussitôt, les ambassadeurs du Roi de France se rendirent à Cambridge, là où résidait le roi mourant. Le contrat de mariage y fut signé le 11 décembre 1624.
Au même moment, dans la vallée de la Valteline, les armées françaises s'emparaient des forts occupés par l'armée pontificale.

Grâce au retour de Richelieu dans le Gouvernement, la France se redressait et commençait petit à petit à faire de l'ombre aux autres pays. Mais les affrontements n'étaient nullement finis. Les deux frères Rohan s'agitaient de plus en plus au nom de la Réforme...

Les aventures de Buckingham à Paris

Jacques Ier d'Angleterre mourut à Theobalds Park, le 27 mars 1625. Son fils prit la relève sous le nom de Charles Ier d'Angleterre. Par une certaine logique historique, on peut remarquer que lorsqu'un roi meurt, le favori est très rarement repris par le roi successeur. Malheureusement pour la population anglaise qui avait grande hâte de voir partir Buckingham, Charles I garda le duc auprès de lui, car comme son père, le nouveau roi n'avait pas trop le sens de la politique et ainsi faisait aveuglement confiance en ce personnage haït par une très grosse partie de la cour et de la population anglaise. Voici le point de vue de G. Bourdonove sur ce favori : "Buckingham manquait de discernement, agissait par caprice, décidait sous le coup d'une impression ou d'une inspiration subite, incapable de peser le pour et le contre, comptant toujours sur la chance qui ne lui avait jamais manqué et confondant trop souvent ses intérêts avec ceux de l'Angleterre". Il n'y avait aucune mésentende entre le roi et son favori, ils ne se disputaient jamais, ce que l'un veut, l'autre veut. Par exemple le mariage avec Henriette de France.
Justement, revenons à ce mariage! Les deux ambassadeurs anglais envoyé à Paris, lord Holland et lord Carlisle, ne parvenaient pas à remplir leur mission. Buckingham décida de prendre les choses en mains et ainsi se rendi dans la capitale française sous pretexte de ramener la princesse Henriette à Charles. Mais comme tout le monde sait, Buckingham avait une autre idée en tête; séduire la Reine de France, Anne d'Autriche, qui selon les contemporains était très belle. Tout comme Buckingham était, selon les contemporaines de l'époque, était très beau et très séduisant, lui même était narcissique, il se faisait beau, prenait soin de sa personne, se "chouchoutait" si je puis dire... La belle princesse solitaire, car Louis XIII s'en occupait fort peu, devra necessairement sucomber à son charme, se dit-il. Ce ne fut pas du tout le cas, c'était même mission impossible pour le favori anglais, mais la difficulté ne lui faisait guère peur. Il partait vaillant comme un chevalier allant quérir sa princesse mais il ignorait qu'il était le pion central du piège tendu par la duchesse de Chevreuse contre Louis XIII. En effet, cette dernière n'aimait pas le Roi, le haïssait même depuis qu'il l'avait jettée hors de la cour après la mort de De Luynes. Et ainsi, le piège consistait à rendre Anne d'Autriche amoureuse de du duc anglais. Ce fut chose facile de convaincre la Reine, elle qui rêvait d'un être aussi "parfait" à ses yeux, en tout cas, ça lui changera de son mari. De son côté Buckingham était amadoué par lord Holland, amant et complice de la duchesse de Chevreuse, qui lui détaillait tous les charmes de la Reine. Il ne peut ne pas tomber amoureux de cette jeune Reine!
Le 11 mai 1625, en la cathédrale Notre-Dame de Paris était célébré le mariage par procuration d'Henriette de France et de Charles d'Angleterre, celui-ci est représenté par le duc de Chevreuse. La dispense n'est pas encore arrivée mais elle est sur le chemin, entre les mains du cardinal Francesco Barberini, elle arrivera finalement le 21 mai. Le duc de Buckingham arrivait trois jours plus tard. Les Parisiens étaient éblouis par la splendeur du duc, lorsqu'il entra dans la ville, au Louvre, les courtisans n'étaient pas éblouis, ils étaient totalement aveuglé. Le Cardinal de Richelieu le reçut avec courtoisie. Louis XIII, quant à lui, l'accueilli avec froideur, il avait horreur des excentriques. Lorsque la Reine et le duc étaient face à face, l'une rougit et l'autre était totalement pétrifié.

à suivre...

© Sébastien DOUTRELOUP

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